Connaissez-vous vos formes d’intelligences ?

Avez-vous déjà entendu parler de Howard Gardner ? Ce psychologue américain professeur en cognition psychologie et éducation à l’université de Harvard a identifié et théorisé dans les années 1990 l’existence de ce qu’il a appelé des intelligences multiples, à partir de l’observation clinique de ses patients.

Plusieurs intelligences ? En observant ces patients, Gardner repère en effet que certains peuvent avoir perdu des capacités intellectuelles tout en restant par ailleurs très performants sur d’autres dimensions. Il en conclut que nous possédons tous différentes formes d’intelligence disponibles, certaines étant dominantes quand d’autres seront secondaires. Bien sûr la machinerie du cerveau est complexe, cependant repérer les formes dominantes de son intelligence peut être très utile dans la construction de soi et de son parcours.

En quoi est-ce utile de mieux connaître ses formes d’intelligence ? En termes d’estime de soi tout d’abord, car cela permet de mieux comprendre ses succès et de relativiser ses échecs, notamment face aux apprentissages scolaires. Notre système scolaire français mobilise essentiellement deux formes d’intelligence : l’intelligence verbale et linguistique d’une part, et l’intelligence logico-mathématique d’autre part. Si ces deux formes d’intelligence sont peu présentes chez un individu, il est possible que celui-ci soit jugé comme peu intelligent et qu’il croise l’échec scolaire,  alors que ses talents sont justes tout autre et n’ont pas été mis en évidence par l’école !

Intelligences multiples et échec scolaire Cette approche très parcellaire de l’intelligence humaine dans le système scolaire fut le point de départ des travaux de Howard Gardner, qui trouvait très incomplète l’approche par les tests de QI utilisés pour déterminer les aptitudes des individus. Il propose alors une nouvelle grille de lecture de l’intelligence humaine sous forme de huit types d’intelligence combinant les dimensions rationnelles, émotionnelles, relationnelles, manuelles et intuitives. Bien des années plus tard, les neuroscientifiques confirmeront cette lecture en cartographiant l’ensemble des circuits cérébraux impliqués lorsque différentes formes de sensibilité et donc d’intelligence sont exprimées.

Quelles sont ces intelligences multiples selon Gardner ?

1.  L’intelligence intra personnelle dite conscience de soi : Elle se réfère à notre capacité à comprendre nos propres émotions et ressentis, à analyser nos pensées et nos comportements. Cette forme d’intelligence nous permet de mieux identifier nos besoins et nos frustrations, de mieux cerner nos forces et nos faiblesses. Elle nous permet aussi, en identifiant nos propres limites, de pouvoir aller chercher de l’aide en cas de besoin et d’effectuer un travail d’auto-critique régulier sur soi pour progresser. Cette forme d’intelligence fonctionne très bien avec la seconde.

2. L’intelligence interpersonnelle : Elle désigne notre capacité à pouvoir interagir favorablement avec les autres en percevant leurs humeurs, leurs intentions, leurs motivations et leurs émotions. Cette forme d’intelligence se manifeste par une grande empathie, un sens de l’écoute active et de la coopération, un niveau élevé de tolérance. Elle est très efficace dans la résolution de conflits et le développement du travail en équipe. Elle nous permet de mieux détecter les intentions cachées ou inavouées des autres. Cette forme d’intelligence est particulièrement mobilisée chez les soignants, les psychologues, les enseignants. L’intelligence interpersonnelle sollicitent tout particulièrement les neurones miroirs présents dans notre cerveau, qui nous aide à entrer en résonance avec l’autre.

3 . L’intelligence verbalo-linguistique : Cette forme d’intelligence utilise le langage pour comprendre les autres et exprimer sa pensée. Notre capacité à choisir et à utiliser les mots efficacement nous permet de transmettre le plus précisément possible nos pensées et de dialoguer avec l’autre. Elle est également l’intelligence des sons, les mots étant des ensembles de sons, comme une musique. Les politiques, les avocats, les poètes, les écrivains ont évidemment une intelligence verbale et linguistique très développée, ainsi que toute personne aimant parler, lire, raconter ou entendre des histoires.

4. L’intelligence logico-mathématique : Elle fait bien sûr référence à notre capacité à calculer, quantifier, résoudre des problèmes mathématiques mais aussi émettre des hypothèses, se sentir à l’aise avec les concepts, les symboles et les signes mathématiques. Les personnes douées de cette forme d’intelligence ont ainsi une solide capacité à résoudre des problèmes en utilisant des raisonnements logiques, étape par étape. Les chercheurs et les scientifiques font naturellement preuve de cette forme d’intelligence. Elle est au cœur de notre système scolaire. À noter cependant que la complexité grandissante de notre monde actuel remet en cause de plus en plus l’intelligence logico-mathématique, qui est par nature linéaire et insuffisamment multidimensionnelle ou multidisciplinaire, et peine à appréhender la complexité.

5. L’intelligence musicale : Elle renvoie à notre capacité à discerner des rythmes, des timbres sonores, à rendre les émotions en mélodie, à reconnaître des modèles musicaux, à pouvoir les interpréter, à être sensible à la musicalité des mots et des phrases. Elle se trouve tout naturellement développée chez les musiciens, les conteurs, les chefs d’orchestre. D’ailleurs la musique, fondamentale dans de nombreuses cultures, est l’une des rares activités à solliciter toutes les parties du cerveau, d’où sa grande importance pour le développement cérébral.

6. L’intelligence visio-spatiale : Elle correspond à notre capacité à penser et à raisonner en 3 dimensions. Elle nous permet de se faire mentalement une représentation spatiale du monde et de traduire des actions en image visuelle. Les personnes dotées de cette forme d’intelligence sont capables de se situer dans l’espace, elles sont sensibles aux formes et aux couleurs. Les géographes, les architectes, les photographes mais aussi les développeurs informatiques bénéficient de ce potentiel intellectuel très spécifique.

7. L’intelligence kinesthésique : Elle mobilise notre corps pour communiquer, s’exprimer et faire passer des messages. Elle nous permet de réaliser des tâches faisant appel à une motricité fine comme la manipulation d’objets multiples, les performances physiques, les pratiques sportives, la réalisation de mouvements précis. On reconnaît cette forme d’intelligence chez une personne qui utilise son corps pour vivre ses émotions, qui communique par gestes, qui est experte en flexibilité, en coordination et en dextérité. On y retrouve les sportifs, les artistes, les danseurs mais aussi les artisans.

8. L’intelligence naturaliste : Elle désigne notre capacité à nous sentir en lien avec le monde du vivant, les espèces animales comme végétales, à les observer et à les respecter, à comprendre les écosystèmes, à entrer en résonance avec la nature dans un souci de conservation et de protection de celles-ci. Les biologistes, les botanistes, les paysagistes, les explorateurs mais aussi les chasseurs et les pêcheurs développent naturellement cette forme d’intelligence en étant toujours très attentifs à leur environnement, en aimant prendre soin des espèces vivantes, en cultivant leur jardin etc. Cette intelligence de la nature est largement illustrée par les peuples premiers qui vivent en étroite communion spirituelle avec leur environnement. Se plonger dans la nature est extrêmement bénéfique pour le cerveau : la nature lui apporte l’oxygène, l’aide à réduire le stress, rien ne remplace une bonne balade dans la nature pour évacuer et recharger ses batteries !

Quel impact dans l’éducation ?

L’immense mérite de cette classification de Gardner est de sortir de la toute-puissance des deux intelligences dominantes dans le système scolaire. Face à la montée exponentielle de l’intelligence artificielle désormais infiniment supérieure à l’intelligence humaine sur les activités mono-tâches comme le calcul ou l’analyse, la singularité et la plus-value de l’humain réside certainement dans cette diversité de ses propres formes d’intelligence et dans sa capacité à les mettre en cohérence, afin de produire des idées complexes et du sens. C’est ce que les algorithmes ne savent pas encore faire !

Préparer les enfants au monde de demain consiste bien à développer toutes les formes d’intelligence que nous venons de découvrir ensemble, en cohérence avec la personnalité et les talents de chacun. Et si nous en parlions avec nos enfants ?

Pour aller plus loin : Les intelligences multiples, la théorie qui bouleverse nos idées reçues, Howard Gardner, Editions Retz